Ses doigts tapotaient le bois ancien de la table du conseil. Ses yeux observaient sa boussole qui tournait de manière totalement chaotique jusqu’à se fixer sur elle. Tiens, comme c’est étonnant. Sa magie ne faisait que confirmer ce qu’elle savait déjà. Elle eut un soupir qui passa inaperçu au milieu du brouhaha insignifiant de ses conseillers, tout sourire, heureux de leur petite décision.
« On ne peut PAS faire ça ! »
Son éclat de voix les fit se taire net et leurs sourires de charognards disparurent de leurs lèvres pour se charger de mépris.
« Si l’on retarde la promulgation de cette loi, on laisse beaucoup trop de pouvoirs aux humanistes pour continuer de s’en prendre aux monstres. On ne peut plus attendre ! Ils doivent… »
Elle s’interrompit en se rendant compte qu’ils avaient déjà cessé de l’écouter. La jolie potiche à l’esprit creux. Elle ravala sa colère en serrant les lèvres et repoussa son siège. Il lui fallait trouver un nouveau moyen de pression pour se faire entendre. Ses talons claquèrent sur le sol briqué quand la voix déplaisante de Stone retentit.
« Pas si vite, Mlle Prinston. »
Si seulement elle pouvait les virer tous autant qu’ils sont. Elle fit un demi-tour des plus contrôlés, ravalant sa bile et attendit sagement comme une belle plante son bon vouloir.
« Nous avons quelques prétendants à vous proposer. Vous devez vous trouvez de toute urgence un mari. Cela commence à jaser et nuit à l’image de notre cour. »
Il lui tendit un dossier de ses ongles sales. Franchement, il ne savait pas qu’on devait se frotter les doigts jusqu’au bout pour que si au moins notre visage était aussi répugnant, que notre aspect paraisse propre ?
Malaika plissa les lèvres et prit le dossier qu’il lui tendait.
« Bonne journée, Votre Majesté. »
Son sourire mielleux lui donnait envie de vomir. Elle inclina la tête et sortit, ayant eu sa dose de sentiment inutile pour la journée. Elle ne savait même pas pourquoi elle continuait à assister à ses réunions où sa voix comptait à peine.
…
Sa camériste acheva de dénouer les nœuds dans ses cheveux tandis qu’elle posait sur sa coiffeuse sa bague émeraude.
« Dure journée, Votre Majesté ? Vous êtes tendue. Il y avait réunion du conseil aujourd’hui ? »
Malaika eut un vague sourire pour Cindy dans le miroir. Elle commençait à la connaitre trop bien. Elle n’arrivait pourtant pas à se résigner de s’en séparer. Elle avait besoin d’un semblant d’écoute même si ce n’était qu’à sens unique. Malaika remit son masque de reine et agrandit son sourire faux.
« Oui, ce n’est que le poids de mes responsabilités. »
Foutu mensonge.
…
Le dossier trônait sur son lit, oublié. La reine avait laissé sa couronne au vestiaire et caressait son jeune chat qui ronronnait paisiblement sur le rebord de la fenêtre. Elle observait la vue. Le ciel foncé. La lune. Malaika réfléchissait.
« Oui tu as raison, Pistache. Qu’ils aillent donc se faire foutre. »
Un éclat amusé jaillit dans ses yeux alors qu’elle allait chercher un stylo à l’encre noire dans son bureau. Elle revint sur son lit, et entreprit de taguer les photos de ses « prétendants ». Voilà qui est beaucoup mieux. Elle rangea soigneusement le dossier, le plia en 2 et le mit dans sa corbeille.
Un acte gamin qui l’aiderait à tenir demain son rôle de Reine Factice en Carton.