Run Wild [DEKU]

Il marche toujours sur la ligne. Peu importe les rencontres, peu importe l'indifférence ou la gentillesse qu'on lui offre, Deku n'a jamais su s'imposer qu'en frôlant du bout du doigt cette sensibilité trop grande. C'est un reproche qu'on a souvent tendance à lui faire,c eui qui arrive tout aussi bien à lui tordre le cœur tout comme à remplir ses yeux de larmes salines. Deku trop gentil, Deku trop à l'écoute. Deku trop ci ou trop ça. Il n'a jamais apprit à se contrôler, ou même à prendre les choses avec une peau plus solide pour encaisser les projectiles. Petit être émotif, aux expressions délicatement candides lorsqu'il n'est pas en proie au désarroi, il sait mieux ravaler ses larmes que sourire face aux jours nouveaux. C'est qu'il ne sait pas Deku. C'est qu'on ne lui a pas assez souvent dit pour qu'il puisse apprendre.
On ne donne pas son cœur si facilement aux autres.

Sa maladresse avec le monde est tout aussi vrai que sa promiscuité avec sa timidité maladive. Il ne manque pas de mots pour s'exprimer mais il est incapable de formuler correctement ses pensées lorsqu'il se doit de rayonner à l'oral. Ses pensées s'embrouillent et, le stress déformant sa locution, il en vient toujours à bafouiller pitoyablement. Petite chouette honteuse d'elle-même, c'est ainsi qu'il se résigne à parler que lorsque c'est nécessaire, se contentant simplement d'hocher ou de secouer la tête pour répondre aux questions des plus grands. Deku possède une très grande conscience de lui-même, et malheureusement, le regard des autres lui fait souvent l'effet de milles épées lui transperçant la peau. L'âme nerveuse, le corps angoissé, il aurait aimé avoir la taille d'une fourmi pour ne plus avoir à se cacher d'autrui lorsque la tempête revient faire chavirer son corps dans l'eau.

Il pourrait avoir les traits d'un enfant, avec ses moues incertaines et ses croyances cristallines. Deku est un garçon naturellement terrifié, mais qui n'a de cesse d'imaginer un univers toujours plus doux malgré ses déceptions. Il veut croire en les humains, en les hybrides, en les monstres. Il veut les aimer, prouver que la plupart des orages ne sont qu'éphémères même lorsque le tonnerre crépite dangereusement. Personne n'est entièrement mauvais à ses yeux, juste simplement triste ou bien blessé par une vie parfois trop cruelle. Et il se dit que parfois, une main tendue suffit à soulever les couronnes de solitude.

Il a la tête dans les étoiles, la volonté encore vive de découvrir plein de choses. S'il n'avait pas un rapport aussi fragile avec la vie, il aurait été sûrement l'un des premiers à vouloir découvrir l'Overworld le plus tôt possible. Cependant, il a encore besoin qu'on l'épaule, qu'on le rassure sans cesse sur ce qu'il fait ou tâche d'entreprendre de ses petites mains. Deku n'aime pas être seul, même s'il est fourré dans ses idées proche de la névrose concernant ses relations sociales. Il sait très bien qu'il a besoin d'accroches auxquelles se tenir, au risque de ne plus avoir la force d'avancer sur le long terme. Ce besoin d'être constamment rassuré vient pallier un profond manque de confiance en soi, sans nul doute. Deku ne s'aime pas vraiment après tout. Il n'y a que lorsqu'il vole dans les airs qu'il arrive à oublier les remords qui font courber son échine.

C'est un bon garçon. Son 'père', qui a eut très tôt la dent dure avec son éducation, en a fait un être courtois et serviable. Enfantin, mais apte à apprendre de ses aventures pour essayer de grandir en un 'meilleur lui'. Toutefois, il a un certain problème à refuser les requêtes qu'il juge toujours sincères (en conséquence à sa naïveté), le mettant face au mur lorsqu'il se doit d'être ferme.
Autrement, Deku est Deku. Rien de plus compliqué, ni de plus simple. Il est juste vivant.

Il se souvient de la liesse des monstres présents ce jour là. Logé contre les jambes de son tuteur, ses yeux s'arrondissaient comme deux billes curieuses, l'ensemble de son corps se crispant sous les acclamations.
« Nous sommes libres ! »
« Nous sommes sauvés ! »
Son coeur battait de plus en plus fort, voguant entre une allégresse partagée et sursauts de surprise.
C'était un jour béni. Eux, prisonniers des entrailles souterraines, allaient enfin pouvoir le jour se lever par delà un horizon infini. Contempler les vraies constellations dans un ciel d'encre. Le bout du nez relevé, il chercha alors le visage familier de son père de substitution, ayant le désir puissant de découvrir la réjouissance du moment se refléter sur lui.
Mais rien. Ses yeux étaient les même.
Il aurait même juré voir les lèvres se pincer.

Deku est un jeune monstre à l'histoire tout à fait commune. Natif de Couvreneige, il fut élevé par son oncle, sa mère ayant déserté sans un mot quelques jours après sa naissance. Monstre à la volonté d'acier, il était le postier mais aussi l'un des livreurs de l'Underworld, son apparence d'être ailé le rendant très efficace pour tout déplacement qui se devait rapide. Cependant, malgré ses compétences incontestées lorsqu'il s'agissait de son travail, il était dénué d'accroches sentimentales quant il s'agissait de son propre neveux. S'en occupant car là était l'une des dernières requêtes de sa sœur disparue, il fut le plus malhabile lorsqu'il entreprenait les tâches parentales... Surtout lorsqu'il devait entretenir un lien affectif avec ce dernier.

Obéissant à la lettre, la petite chouette se pliait docilement à son éducation rigoureuse au plus tôt. Sans être méchant, rares étaient les moments où Deku pouvait sentir son oncle être fier de lui. Que ce soit à l'école à laquelle il n'excellait pas, ou bien dans les cours de vol ou il finissait toujours par manquer de force, les bref moments de partage se terminaient souvent dans des soupirs d'agacement. Ces quelques gouttes de poison devenant peu à peu sa réalité, le jeune oiseau devenait  un enfant écarté du monde, préférant s'enfermer dans sa bulle plutôt que de s'ouvrir à un monde auquel il n'arrivait pas à s'adapter.

Malgré tout, il continuait à agripper à son oncle en outre-passant son cœur abîmé. Il était celui qui s'occupait de lui, qui s'évertuait à le protéger en oubliant ses maladresses. Et Deku l'aimait, terriblement. Pourtant, il cru voir un changement lorsque le jour de la Délivrance arriva dans l'Underworld. L'ouverture de la barrière. C'était il y a dix ans, mais Deku se souvient encore parfaitement de l'air sombre qui paraissait s'être gravé à tout jamais dans ses traits.
Contrairement à la plupart des autres monstres, son oncle avait toujours maudit le monde extérieur. Et encore plus les humains.
Alors, il refusa de sortir. Encore un peu jeune et manquant de courage pour se détacher de lui, Deku restait à ses côtés, assistant sans le vouloir à la chute de son gardien. Lui qui était si fier auparavant, disparaissait peu à peu dans un monde monochrome... Inatteignable. Les autres monstres se faisaient rares dans le grand sous-sol, alors il n'y avait plus réellement de lettres ni même de présents à venir livrer désormais. Le temps continuait de courir, même si c'était sans eux.

Deku ne sait plus combien d'années à pu s'écouler. Mais il était hors de question de le laisser s'isoler pour toujours. Alors il resta lui aussi, buvant sa paranoïa à grandes gorgées. A son tour, il cru que le monde du dessus était terrifiant, parsemé d'embûches pour ceux ayant une âme trop bonne. De nature craintive et insouciante, sa vision se limitait seulement aux ouïes-dires d'un homme résigné.

Jusqu'au jour où, mystérieusement, son oncle l'abandonna à son tour.
Sans comprendre, Deku le chercha longtemps. Des jours, des nuits, inlassablement. Mais sans résultats.
Il était désormais tout seul.

Dans ces conditions, un choix s'offrait à lui. Trouver la force de remonter à la surface ou bien continuer à rester ici. Plongé dans l'indécision la plus profonde, il décida symboliquement de reprendre le flambeau de son oncle, devenant le postier d'un univers presque inexistant. Peut-être qu'un jour, aura t-il le courage de transcender sa peur de l'inconnu.