À point nommé [PV Lélianna]

13/12/2018

La jeune femme entra dans l'immense galerie bondée de monde, franchissant les portes automatiques d'un pas pressé. Faire ses courses un samedi en pleine heure d'influence ne l'enchantait guère, mais ses horaires de travail ne lui laissaient pas tellement le choix dernièrement. L'avantage, c'était qu'elle passerait plutôt inaperçue parmi cette foule hétéroclite de monstres et d'humains ; chose difficile lorsqu'on portait une jupe à carreaux rouge en même temps qu'une veste mauve et un épais collant jaune aux motifs d'ananas.

Se frayant adroitement un chemin jusqu'au magasin, Saé ne prêta pas la moindre attention aux distractions alentours, résistant même aux odeurs alléchantes s'échappant des snacks et des cafés. Avec elle, faire les boutiques ne durait jamais longtemps ; elle ne prenait que rarement le temps de parcourir librement les rayonnages, préférant se concentrer sur ce pourquoi elle était venue avant de quitter les lieux en vitesse. Ainsi, elle ne tarda pas à atteindre le bon rayon pour se saisir d'un sac de riz – denrée essentielle à son alimentation – avant de se ruer vers les caisses.

Affrontant l'interminable file d'attente qui la séparait de la sortie, Saé ne put s'empêcher de bâiller sporadiquement. Entre son travail qui ne la libérait que très tard et le boucan matinal de son voisin, cela devait bien faire une bonne semaine qu'elle n'avait pas eu droit à une vraie nuit de sommeil. Alors, quand enfin ce fut son tour et que la caissière lui annonça nonchalamment : « Il manque deux pièces d'or... », elle resta quelques secondes, apathique, à la regarder sans trop comprendre. Réalisant enfin ce qu'elle lui voulait, elle glissa sa main au fond de sa poche pour y chercher le montant manquant. Elle aurait dû l'avoir, vu qu'elle s'était assurée d'emporter un peu plus que la somme requise en partant de chez elle... et pourtant, Saé ne trouva rien. Ce fut en décelant l'existence d'un trou astucieusement placé vers l'arrière de ladite poche qu'elle comprit. Oh non... Décidément, les vêtements reçus gratuitement n'étaient pas toujours aussi économiques qu'elle l'espérait.

Rapidement, Saé fouilla tout autre endroit susceptible de contenir un peu de monnaie, mais dut se rendre à l'évidence : elle ne pourrait pas payer cette fois-ci, et c'était très embarrassant.

- Désolé madame, j' n'ai pas assez... admit-elle avant de sourire faiblement, visiblement gênée.

Il est temps de faire les courses pour toute la famille. Comme d'habitude, puisque je suis encore mère célibataire, c'est moi qui m'y colle. Ça ne me dérange pas le moins du monde, ça me fait même plaisir, puisque je pourrai faire plaisir à mes fils... qui sont d'ailleurs avec moi. Ah ! J'ai vraiment de la chance de les avoir ! Ils ressemblent beaucoup à leur mère !

Bon, je me fraie un chemin, et comme je suis assez connue, pas dans tout l'Overland mais quand même, je ne peux pas échapper à certaines personnes qui me demandent un autographe. Une habitude que j'ai pris depuis que je suis devenue chanteuse de l'Overland, sommes toutes. Mes enfants aussi sont habitués à mes autographes, et ils sont de moins en moins pressés grâce à ça. Je me rappelle des premières années, mes fils faisaient des caprices ! Et ça ennuyait autant moi et les fans qui veulent un autographe ! J'ai même refusé des autographes pendant plusieurs mois pour faire plaisir à mes fils ! Ça fait des années que ça va mieux, mais un peu plus et je pouvais suspendre ma carrière !

Comme mes fils ont 8 et 10 ans, c'est désormais difficile pour eux de faire de tels caprices, surtout qu'ils ont déjà perdu une mère pendant trois ans car Yodel a osé me trahir, et un père pour toujours car il a été condamné pour ses méfaits. Du coup, ils savent qu'ils n'auront pas ce qu'ils veulent, puisque même s'ils veulent retrouver leur père, et je le sais, c'est impossible, et heureusement pour moi.

On a pu prendre ce qu'il y a à acheter, maintenant on va à la caisse, et comme c'est bondé de monde, c'est difficile d'échapper à une file presque interminable. Tellement interminable que l'Humaine, ou du moins Hybride qui ressemble beaucoup, beaucoup, beaucoup à une Humaine, au visage à moitié brûlé s'est endormie et s'est réveillée lorsque la caissière a dit qu'il lui manque deux pièces d'or.

Au moment où la caissière a prononcé ces mots, je ne me mêle pas de ces affaires, mais après une fouille où elle a fini par dire qu'elle n'a pas assez, je décide de l'aider. Je cherche mon porte-feuille et je prends deux pièces d'or dedans.

"Je peux vous aider." lui dis-je quand j'ai les deux pièces d'or.

La caissière me regarde et son visage peut être traduit par : "Hé ! Mais je la connais ! Elle est assez connue !" Oui, c'est bien moi : Lélianna Constan. Mais je reste modeste et je fais comme si je n'avais pas remarqué cette expression. Je donne donc les deux pièces d'or à la caissière.

"Voilà pour vous." dis-je avec le sourire.

13/12/2018

Se trouvant dans l'incapacité de payer, elle s'apprêta à récupérer son argent et à partir lorsqu'une âme charitable vola à son secours, proposant de la dépanner. C'est très gentil de sa part, certes, mais... mais... Mais pourquoi est-ce que tout le monde la regarde comme ça ? Pas tout le monde, évidemment. Mais ça et là, parmi les files de personnes attendant patiemment – très patiemment – de passer en caisse, quelques regards se tournaient vers la généreuse mère de famille, l'observant d'une manière... bizarre. Au moins ce coup-ci, ce n'est pas moi qu'on regarde.

- Oh... Heu... Merci, madame ! bafouilla-t-elle en voyant la femme tendre les pièces à la caissière. C'est gentil. Il ne fallait pas...

Elle s'écarta ensuite pour lui laisser la place, mais ne partit pas, restant à proximité de la caisse avec son sac de riz dans les bras. Une personne totalement désintéressée venait de lui rendre service. C'était rare. Et si Saé appréciait son geste, elle ne pouvait toutefois pas se résoudre à en rester là. D'accord, c'était une toute petite somme, mais tout de même ! Elle n'était pas fière d'avoir laissé une parfaite inconnue régler à sa place.

Aussitôt que la mère eût fini de payer ses propres courses, Saé revint vers elle, s'apprêtant à l'accompagner un moment.

- Non, vraiment, c'était trop gentil. Ça me tracasse de ne rien pouvoir faire en retour, expliqua-t-elle en toute franchise. J' m'appelle Saé, ravie de vous rencontrer... vous trois.

Elle essaya ensuite de leur sourire amicalement malgré son visage à moitié figé.

Il ne fallait pas ? Allons, je fais ça de bon cœur. J'espère juste que cette personne n'est pas hypocrite. Après que j'ai payé le déficit à sa place, elle s'écarte et me laisse la place. Jason et Akim n'ont pas l'air de comprendre mon geste.

"Pourquoi est-ce que tu l'as aidé, Maman ?

Il faut savoir aider, même des inconnus."

Après avoir payé tout ce qu'il y a à payer, je vois la femme que j'ai aidé revenir vers moi, m'accompagnant un moment. Elle s'appelle donc Saé. C'est donc à moi de me présenter.

"C'est normal, Saé. Je m'appelle Lélianna, et voici mes fils, Akim et Jason.

Bonjour Madame.

Bonjour Madame."

Et non, je ne vais pas me vanter d'être une chanteuse assez connue de l'Overland. Je préfère faire comme si j'étais une hybride comme les autres. Tout comme Saé fait comme si elle était une humaine comme les autres malgré qu'on puisse lui faire des remarques sur sa brûlure au visage. Heureusement, mes fils eux-même étant différents, ils ne font pas du tout remarquer.

"Que pensez-vous faire pour compenser ma générosité ?"

13/12/2018

Lélianna se présenta à son tour avant d'introduire ses fils, Akim et Jason, qui la saluèrent. Saé tâcha de mémoriser leurs noms tandis qu'elle continuait à marcher avec eux. Puis, l'hybride lui posa une question : que pensait-elle faire en retour de son geste ?

- Vous rembourser, répondit-elle simplement. Question de principe.

Et comme elle n'était pas en mesure de lui rendre son argent aujourd'hui, elle avait jugé bon d'essayer de prendre contact avec elle. Néanmoins, cette femme n'avait pas l'air d'être dans le besoin, et Saé se doutait bien qu'au fond ces deux pièces d'or lui importaient peu. Aussi, elle ajouta :

- Mais peut-être que récupérer ces deux pièces d'or ne vous intéresse pas vraiment. Du coup, si vous préférez, j' pourrais peut-être vous rendre un petit service en échange. Lequel ? J'en sais rien. Mais n'hésitez pas à me demander, à l'occasion.

Saé aimait se rendre utile, donc rendre service à cette femme en récompense de sa bonne action ne la dérangeait aucunement.

Tandis que la foule se clairsemait, Saé surprit deux amies, non loin, l'une pointant son doigt dans leur direction. Était-ce la dame-hybride qu'elle visait ? Peut-être bien, vu qu'elles accouraient désormais vers elle.

D'accord. Comment et où va-t-elle me rembourser ? Je pense que je le saurai assez vite... enfin je crois plutôt que je vis très bien. Deux pièces d'or de plus ou de moins, c'est pas important, vu ce que je gagne avec ma carrière de chanteuse.

Qu'est-ce qu'elle peut me rendre comme service ? On a déjà une nourrice encire active, et de toute façon en cas de besoin j'aurai déjà Frisk, ou alors je pourrai faire appel à Saé, si besoin.

"Je n'hésiterai pas."

D'un coup, je vois que deux amies accourent vers moi. Ce doit être des fans de ma carrière.

"Lélianna Constan ! J'ai toujours rêvé de vous voir en vrai, j'adore ce que vous faites ! Je peux avoir un autographe ?! dit-elle avec les étoiles dans les yeux.

Bien sûr."

Je sors donc mon feutre indélébile comme d'habitude, et je vois qu'elle me sort mon CD. Ha ha ha ! Du coup, sans hésitation, je signe le CD et je le rends.

"Est-ce que vous voulez un autre autographe ? Comme vous voulez.

Non, ça va, ça me suffit ! Merci beaucoup !

Mais de rien, ça me fait plaisir."

Les deux femmes se mettent à partir avec une grande joie. J'ai toujours Saé près de moi, et elle avait l'air de se poser des questions.

"Malgré que l'Overland me connaisse, je préfère être modeste, c'est pour ça que je fais comme si j'étais une femme comme les autres. Ha ha ha !"

Après tout, si je suis chanteuse, c'est surtout pour travailler et subvenir à mes besoins. Je ne vis pas dans une grande maison de luxe, je ne suis pas une diva. Je suis fière d'être chanteuse, mais je ne vois pas l'intérêt de crier moi-même que je suis là. Je préfère que les autres viennent plutôt que je vienne, car sinon je n'aurais plus de vie.

HRP:

13/12/2018

Lélianna Constan ? Ce nom ne lui évoquait rien. En même temps, elle ne portait pas grand intérêt aux célébrités en tout genre, ne retenant en général que le nom des plus médiatisées.

L'une des filles – la plus surexcitée des deux – sortit ensuite un CD que Saé examina tout en restant légèrement en retrait. Alors comme ça cette femme était chanteuse ? Et connue, en plus ; voilà qui faisait plaisir à voir. Non pas qu'elle accordait beaucoup d'importance à la notoriété, loin de là, mais ça faisait toujours plaisir de voir quelqu'un réussir ; une non-humaine, qui plus est. Saé avait assez vu de monstres se succéder à ses côtés lors de ménages de nuit pour comprendre à quel point l'ascenseur social (ou plutôt racial ?) était rouillé. Alors oui, le simple fait d'apprendre la réussite d'une hybride suffisait à la mettre de bonne humeur.

Pensive, Saé attendit que Lélianna eût fini d'échanger avec ses fans. Cette situation lui rappelait son adolescence, et plus particulièrement cette période étrange où pratiquement toutes les filles de son collège s'étaient mises à idolâtrer un groupe ou un chanteur qu'elles appréciaient, tapissant leurs chambres de posters à leur effigie. Saé s'estimait chanceuse d'avoir échappé à cette vague d'enthousiasme exacerbé, observant le curieux phénomène d'un œil moqueur. Cette époque faisait directement suite à l'incendie, et en ce temps-là, sa priorité était de se reconstruire, la boxe se révélant être d'une aide précieuse. Ainsi, son admiration était plutôt tournée vers ces boxeuses de haut niveau dont elle suivait le parcours. Solides, vives et sans peur, elles incarnaient un modèle parfait pour la petite Saé de l'époque, désireuse de s'affranchir de la faiblesse de son corps las et abîmé.

Une voix l'extirpa de ses rêveries. Maintenant que les filles étaient parties, voilà que la chanteuse tentait de se justifier, bien que ça n'en soit pas la peine. Saé comprenait. Elle-même ne verrait pas l'intérêt de se vanter, à sa place.

- Personne n'est « comme les autres », mais c'est cool que vous le preniez comme ça. J' n'aime pas trop les gens prétentieux.

Ce genre de personnes était absolument irritable, et Saé appréciait de savoir que Lélianna n'en faisait pas partie.

- C'est bien que vous ayez pu suivre votre vocation. Perso, j' n'ai toujours pas la moindre idée de ce que j'aimerais faire dans la vie. Mais bon, "ça viendra", comme ils disent...

- En tous cas ça me rassure : je vois des gens vous regarder bizarrement depuis t'-à-l'heure, et ça commençait à me faire flipper, ha ha ! Mais en fin de compte, tout s'explique... Ah, et, j' suppose que les deux pièces d'or vous intéressent vraiment pas du coup, mais mon offre tient toujours. J' pourrais vous donner mon numéro, au cas où, et vous pourriez l'utiliser si vous voulez. Fin' après j' vous oblige pas.

Saé marque un point sur ce coup : personne n'est "comme les autres", même un humaniste qui le croit. Et pour les gens prétentieux, c'est vrai que ceux qui disent : "regardez-moi, c'est (insérez le nom d'une célébrité) et si vous voulez des autographes c'est maintenant", c'est très énervant. Je suis même une des premières à détester de genres de personnes.

Elle n'a donc toujours aucune idée de ce qu'elle aimerait faire. Je pense que sa brûlure au visage n'aiderait pas à avoir un petit travail, même si c'est complètement injuste. Moi-même, avant d'être chanteuse, c'était difficile d'avoir un travail car c'est difficile d'ignorer que je suis une hybride. Je ressemble à une humaine, mais ma peau et ma carapace font dire que je n'en suis pas une.

Les regards bizarres sont limite une habitude pour moi. J'ai appris à les ignorer. Deux pièces d'or, c'est très peu pour moi. Mais si elle veut vraiment travailler, il faut d'abord que je sache qu'est-ce qu'elle pourrait faire. A réfléchir.

"Deux petites pièces d'or, c'est très peu, donc ça ne m'intéresse vraiment pas. Sinon, pour votre offre, ça me va parfaitement. Lorsque j'aurais trouvé ce que vous pourrez faire, je n'hésiterai pas à vous appeler." dis-je avec le sourire.

Mes deux fils n'écoutent pas du tout car ils sont en train de discuter entre eux. Ils s'entendent très bien, Akim est même assez protecteur envers Jason. Je donne donc mon numéro de téléphone à Saé pendant qu'on s'approche de ma voiture, tout aussi modeste. Personnellement, tant que c'est pratique, ça me va. Au travail, je suis une chanteuse qui aide à une certaine échelle la paix entre Humains et Monstres. En dehors, je suis une mère de famille qui s'inquiète énormément de la vie de ses fils.

13/12/2018

Finalement, les deux femmes échangèrent leurs numéros. Saé ignorait si la chanteuse comptait vraiment l'utiliser ou non, mais cela importait peu. Pour elle, l'essentiel était d'avoir pu proposer une forme de dédommagement ; il était absolument hors de question de laisser quelqu'un payer pour ses étourderies, quel qu'en soit le prix. Et puis, mine de rien, ces deux piécettes lui avaient permis d'économiser un temps fou en lui évitant d'avoir à faire l'aller-retour jusque chez elle. Quand au service qu'elle comptait lui rendre, Lélianna avait carte blanche. Bien que l'étendue des possibilités soit assez vaste, Saé ne voulut pas l'orienter, jugeant préférable de laisser l'hybride choisir en fonction de ses besoins. Après tout, c'était une proposition, pas une contrainte.

La jeune femme avait l'habitude qu'on lui confie quelques bricoles de temps à autre, surtout de la part de sa voisine de palier. En général, il s'agissait de simples commissions ou de légers travaux allant du changement d'ampoule à la réparation de meubles. C'était souvent un échange de bons procédés : Saé venait en aide à Ansena et celle-ci l'invitait à manger ou autre en retour. Mais l'humaine ne faisait pas ça dans l'attente d'une récompense. Elle appréciait sa voisine, et savait que ses interventions arrangeaient grandement la vieille dame ; quoi que celle-ci en dise, son âge avancé ne lui permettait plus autant d'autonomie qu'auparavant. Et puis, c'était toujours une manière utile d'occuper son temps libre.

Alors qu'ils avançaient dans l'immense parking du magasin, Saé jugea qu'il était grand temps de laisser la petite famille tranquille. Ses courses étaient faites grâce à sa ''sauveuse'' du jour, et il ne lui restait plus qu'à rentrer chez elle avec ses provisions.

- Bon, eh bien... Sûr ce j' vais vous laisser. Bonne continuation, et du coup, peut-être à une prochaine fois ? En tous cas, c'était sympas de faire votre connaissance.

Elle les salua, puis partit de son côté, traçant sa route hors du parking pour aller prendre les transports en commun.

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