Flowey

L'obscurité s’immisçait entre les minces fissures de la roche. Le temps était devenu abstrait. Depuis combien de temps Flowey était-il resté terré en ces ruines ? Isolé de tous, il s'était accommodé à sa douce solitude. Le silence sépulcral était dorénavant le maître de ces lieux. Seules quelques âmes persistaient à rester sous terre, fuyant la surface comme la peste. Bien que la crainte ne s'était guère logée dans le cœur de la fleur dorée, celle-ci ne ressentait que l'apathie. Son exil était le reflet de la bonté d'Asriel qui avait préféré s'isoler afin de préserver les monstres et les humains de lui-même.

Il avait détruit la barrière en libérant toute les âmes qu'il s'était approprié, sachant pertinemment qu'il serait de nouveau dépourvu de toutes émotions. Lorsqu'il avait fait ça, c'était l'empathie qu'il l'avait poussé. L'empathie ainsi que l'amour et l'espoir que les monstres portaient envers Frisk. La fleur ne cessait de se raccrocher à ses souvenirs, mais surtout à cette lueur qui avait émané de lui. Cette lueur emplie d'émotions, lui ayant permis de faire preuve d'altruisme après bien des années. Ce souvenir était à présent un réconfort, un infime espoir blottis en lui qui ne cherchait qu'à croître. Seulement, le pessimisme de Flowey rongeait cette lueur déjà bien assez amaigrie. Ce n'était que des braises s'affaiblissant au fil du temps, mais qui refusait de se laisser éteindre. Elles persistaient comme elles pouvaient.

Cependant, le temps a toujours été un poison vicieux. Lent, il laissait l'apathie corrompre l'âme d'autrui estompant les souvenirs. Une fois les braises suffisamment affaiblies, il n'avait suffi que de laisser les événements logiques s'écouler. La bonté d'Asriel qui avait longtemps persisté, s'était faites asphyxiée par le temps. Flowey venait de sortir de son exil. Un exil qui avait bien trop perduré.

S'immisçant sous terre, la fleur n'avait plus que faire de ses minces souvenirs. La bonté d'Asriel s'étant éteinte avait laissé un monstre s'échapper de sa prison. Un creux se dessinait sur une terre humide baignée par les cristallins rayons de lune. La fleur dorée admirait pour la première fois la lune de l'Overland. Le souffle du vent murmurait une douce mélodie accompagnée de bruissements de feuilles feutrés. Le paysage qui se dressait devant lui l'apaisant autant qu'il le blessait. Ranimant ainsi les braises, symbole de son espoir. Cependant, il chassa cette idée bien rapidement. Retrouver ses émotions, sans la moindre âme en lui n'était qu'un onirique désir. L'espoir était sa douleur. Son pessimisme était un soulagement. Du moins, il lui en donnait l'impression.

« Toi aussi tu viens admirer le spectacle petite fleur ? » Une voix infantile perça le silence. Son interlocuteur était adossé à un arbre, non loin. Celui-ci adoptait une forme humanoïde avec quelques caractéristiques propres aux monstres. Quelques écailles recouvraient sa peau, ses iris abordaient une teinte alizarine dont les fines pupilles étaient ovales. Avec la finesse de son corps ainsi que sa taille, il semblait assez faiblard.

Ayant passé plusieurs années dans les ruines, Flowey dévisageait l'enfant intrigué par la nature de celui-ci. « Qu'est-ce que tu es au juste ? » Flowey s'était montré assez froid, même s'il était plus intrigué que distant envers l'enfant. « Je suis un hybride. En gros, j'ai une maman humaine et un papa monstre ! Pourquoi tu demandes ça petite fleur ? Tu es nouveau dans le coin, c'est ça ? » Il ne savait pas réellement quoi penser de cela sur le coup, la surprise primant en lui. Malgré qu'au fond, il s'en était douté. « Oui... on peut dire ça. » Flowey était assez calme, se contentant d'observer l'astre opalin avec l'hybride. Cette fois-ci, la fleur n'avait nulles mauvaises intentions envers l'enfant. Ce n'était guère parce qu'il ressentait une quelconque pitié, ou même de la sympathie, mais plutôt parce qu'il ne le voulait pas. Il venait tout juste de sortir des Ruines. Le mieux était de se familiariser avec ce nouveau terrain de jeu avant de commencer à s'amuser réellement.