Give up || Sans

La remarque semble anodine, presque légère, mais elle touche quelque chose en toi, alors qu’un sentiment très léger, mais bien existant, de soulagement te laisse quelque peu vaporeux. Tu l’as épargné, une fois encore, comme si l’idée de le tuer restait une chose si insurmontable que tu continuais, aujourd’hui encore, à abandonner, à m’abandonner, pour lui. Toujours pour lui. Avec hésitation, presque timidement, tu hausses légèrement des épaules, quand il annonce qu’il te doit probablement sa survie, comme si l’acte en lui-même était anodin. Pourtant ton teint rosirait, si tu en avais encore la force, n’est-ce pas ? Tu m’écœures , traître.sse.

Tu ne remarques pas l’hébétement du comédien, trop occupé.e comme tu l’ai à prolonger ce contact, la seule chose te semblant réconfortante depuis des jours, voir des semaines, si l’on compte les mois de fuites prolongés, cherchant à éviter le comédien par tous les moyens. Cela a été pénible pour tout le monde, et finalement si inutile au vu des résultats, qu’une nouvelle fois tu souffles, te prélassant dans cet instant de répit au cœur de ta guerre infinie. Tu frisonnes légèrement, alors qu’une brise se lève, retournant presque immédiatement cacher ton visage contre son T-shirt, tandis qu’il continue de prendre la parole, mettant le doigt sur des faits qu’on ne peut pas nier. Il ne comprends probablement pas tout, mais il commence à pouvoir mettre des pièces en place. Voilà qui est agaçant. Pour toute réponse, tu te contentes de serrer un peu plus cette main qui reste contre la tienne. Tu ne peux rien avouer, mais tu refuses de nier. Un point pour toi...

Puis vient sa proposition. Cette main tendue vers toi, après que, comme une preuve de sa bonne foi, il ait avoué sa méthode pour nous avoir trouvé. Je prends note, Comédien.
Cette aide, cette déclaration entre lui et toi, tu l’espère, mais tu n’en veux pas. Elle t’arrache un soupir lourd, et fatigué, comme si la fatalité avec laquelle elle est annoncé te laisse piteux.se, gêné.e, alors qu’une pointe de tristesse reste entre tes lèvres. Sans oser révéler une nouvelle fois ton visage, tu reprends la parole, ta voix s’étouffant chaudement contre son épaule. Tu n’oses pas le regarder, en lâche que tu es.

« Je ne voulais pas tu joues ce rôle. Pas une fois encore. C’est pour cela que, que... »

Que tu l’as fuit, penses-tu, sans pour autant oser finir ta phrase. Laissant un silence d’une seconde, tu reprends par saccade, partagé entre l’émotion et la vérité, que tu effleures timidement du bout de la pensée.

« Pas une nouvelle fois, en tout cas. Je voulais… T’épargner cela. Juste… Que tu sois "Sans", sans avoir à… A faire ça. Sans avoir à être… Ça. Je sais pas si t’y croira mais… J’ai vraiment essayé, Sans. »

L’instant est aux aveux maladroits, au volonté contrecarrée. Tu avais voulu l’épargner de son rôle de juge, qu’il n’ait pas à mourir une nouvelle fois pour tes péchés, qu'il puisse vivre heureux sans ce poids, mais tu as échoué, comme tu échoues toujours. Certes, il a gagné un sursis, mais pour combien de temps ? Il a compris que quelque chose dissonait, et il va chercher, peut-être même finira-t-il par trouver, et alors….
Ta main lâche doucement la sienne, comme pour avouer l’inéluctabilité de tes tentatives pour l’épargner. Tu ne peux pas le sauver. Tu ne peux sauver personne, Frisk.

« Il serait mieux… Il vaudrait mieux que tu ne le fasses pas. Je ne veux pas refuser, mais… Mais je ne veux pas. Je ne veux pas qu’on… Que ça recommence. qu’une fois encore, tu te mettes en danger. »

Tu ne veux pas le voir mourir, mais tu n’oses pas lui dire, alors c’est à demi-mots, que tu l’avoues, sans oser le regarder, tes mots toujours étouffés par le tissus dont tu ne décolles pas ton visage. Tu sais comment tout cela finira, n’est-ce pas ? Pourquoi t’acharner, alors ?

« Tu ferais mieux d’abandonner. »

Il ne peut pas faire l'impasse là-dessus, même si ses pensées accessibles sont laissées en flottaison par la confusion : le.a gosse appuie l'instant en se calfeutrant contre lui. Il sent un contact bien matériel contre sa cage thoracique peu accoutumée à toucher quoi que ce soit. Sa conscience tressaute et sa vision quitte des brumes dans lesquelles il ne se savait pas être. Le Réel semble vouloir s'infiltrer en lui par toutes ses failles de sécurité et le squelette mollasson laisse le moment s'enraciner entre-eux même s'il a un goût étrange. Trop réel pour être vivable peut-être. Qu'il ne devrait sûrement pas faire acte de présence aussi longtemps car cela revient à faire une promesse tacite - nan pas tacite. Il s'est déjà engagé à venir si Frisk veut l'appeler. Comme si cela pouvait changer quelque chose. Comme s'il était capable d'avoir une incidence. Il ne regrette pas sa proposition mais il comprend qu'elle signifie quelque chose d'irrationnel sans être faux - s'il sait qu'il ne peut rien changer il ne veut pas la.e laisser se heurter à la fatalité seul.e. Ses pupilles s'abaissent de côté alors que son corps osseux s’affaisse machinalement contre le.a gamin.e lorsque iel réagit à la bourrasque. Il ne prend conscience qu'après qu'il voulait la.e couper du froid. Alors que le froid n'est pas grand chose dans un monde cousu de fils blancs, où rien ne peut être fait. Iel ne risque pourtant pas grand chose et il devrait logiquement laisser couler. Démissionner des petites attentions.
Tout se recoupe pour donner un résultat assez intraduisible.
Sans ne se considère plus comme une personne depuis un bail - tout au plus comme un rôle en stand-by. Ré-activable au besoin. Mais qui ne devrait jamais être sorti de sa léthargie si tout roule à peu près correctement.

Alors les mots de Frisk paralysent son regard ailleurs, à la jonction entre l'incompréhension et la réalisation d'arrière plan. Il n'arriverait pas à présumer des raisons du. de la gamin.e mais il ne les remet pour autant pas en cause. Sans se contente de farfouiller entre les os de sa nuque pataudement. Son geste est manifestement lourd. "j'te crois, buddy. j'comprends mieux pourquoi j'étais pas souvent invité dans tes vadrouilles." Il abaisse le visage de côté, assez pour tapoter sympathiquement son crâne du sien et dans la collision gentillette il laisse échapper un rire rond. Quoi qu'un peu grave. Si son manque d'aisance ne filtre pas forcément c'est qu'il enjambe la question qui le concerne un instant, juste assez longtemps pour bien signaler qu'il met les éléments en parallèle avec les confessions du gamin et qu'il veut bien croire que ce.tte dernier.e voulait empêcher quelque chose de ballot en l'évitant lui.
Ouais mais. Ses orbites se referment, s'inclinent, il comprend qu'il ne peut pas esquiver à jamais. Frisk, malgré le combat interne qu'iel mène contre quelque chose qui lui échappe, a tout fait pour ne pas être à nouveau confronté.e au juge - nan à Sans. Pourquoi est-ce à ses yeux tant rédhibitoire heh ? Peur d'un affrontement trop long et d'y perdre du temps ? Nan sûrement pas. Iel ne serait pas lové contre lui, dans cet instant de franchise saillante, s'iel le craignait. On dirait bien davantage qu'iel se craint. Iel dit craindre qu'il lui arrive malheur.
Welp. C'est assez cocasse et ce serait presque rigolo si ce n'était pas un brin dommage. Frisk met le doigt là où c'est un chouia trop vrai, là où Sans ne suit plus. Mais le monstre osseux ne souhaite pas le.a contrer. Il marmonne plutôt d'une voix commode. "en fait t'as plutôt bien essayé. assez pour pas mal réussir. on peut pas vraiment dire qu'un câlin ça soit pro pendant une audience, le juge doit s'être fait la malle." C'est peut-être un peu simple mais ce n'est pas un mensonge et il ponctue sa phrase d'un nouveau clignement d'orbite, complice. Sans trop s'y appesantir, faute de le pouvoir, il matérialise des mots et reconnaît en partie pour lui-même qu'il est présent alors que son rôle a été repoussé. Par la bonne action de Frisk. Ou plus exactement... Par Frisk, en fait. Le Juge ne s'est jamais présenté dans le corridor.

Pourtant il y a bien quelque chose qui ne colle pas. Si le.a gosse a tout fait pour éviter de les enliser dans une ré-édition de jugement qui ou quoi a levé le couteau dans sa direction ? Dissonance, anomalie. Comme si Frisk s'était absenté.e de son propre corps. Pourtant le squelette a infiltré son historique et le LOVE y est absent : ce n'est pas ça qui le.a distancie de ses actions. Pas ça qui l'empêche de lui donner une réponse alors pourtant qu'iel admet tout le reste, bien que ça soit coûteux.
Le.a gosse était comme possedé.e.
Frisk dit ne pas vouloir refuser et Sans comprend qu'iel reconnait sûrement par là avoir besoin d'aide, que son problème est donc bien conscientisé et que s'iel ne l'explicite pas c'est donc bien parce qu'iel en est empêché.
Et à côté de ça Frisk préfère la solitude, peut-être celle qui a amené son corps à être tordu dans tous les sens comme s'il s'agissait d'une poupée de chiffon, plutôt que de mettre le monstre en danger. Ouip, ça coïncide avec tes affirmations de tout à l'heure, buddy. Et ça fait très étrange. "tu sais j'ai abandonné il y a longtemps déjà... du coup j'crois que j'suis fatigué de rien faire." Il marmonne un "uh" un rien exagéré comme si Frisk n'était pas dupe avant même qu'iel puisse réagir. "j'ai rien à gagner de mieux en abandonnant, buddy. je sais pas c'qui t'arrive mais t'as réussi à calmer ça et  c'est pas rien. j'me dis que tu dois sûrement voir quelque chose qui vaut le coup et qui m'échappe un peu. peut-être que tu peux me filer un coup d'main toi aussi. " D'une voix plus résolue, sans réellement être triste il ajoute. "dans tous les cas tu sais que nos lignes sont croisées. et ça me va comme ça."

Doucement, tu te détends contre son épaule, laissant de nouveau ton visage apparaître, le regardant du coin de ton œil ainsi découvert, alors qu’il note, avec une pointe d’humour lui étant propre, qu’il n’a pas été ici le Juge. Ni le comédien, d’ailleurs… Un sourire un brin timide se laisse lire sur tes lèvres à moitié découvertes, alors que tu baisses un peu les yeux, légèrement satifait.e, légèrement gêné.e. Tu ne relèves pas, mais la prise sur son T-shirt se fait plus légère, moins pressée, pour toute réponse...

Face a tes recommandation, le comédien se laisse aller à une blague qui sonne plutôt vrai, te faisant légèrement froncer les sourcils, tandis que tu le regardes toujours, du coin de l’œil, avant qu’il ne continue, un brin plus sérieux. Cela ne lui ressemble pas, mais rien ne vous ressemble, dans cette scène.

Ses paroles te laissent une sensation chaude, légèrement agréable, contentant, au fond de l’estomac, alors que tu l’écoutes, bien qu’une légère âcreté te reste sur les lèvres, quand il parle de vos destins croisés. Tu aimes cette idée, tout autant que tu la redoutes. Mais il te propose… Non, il te demande de l’aider à son tour. Tu hésites peut-être un instant, peut-être une seconde, tandis que ta tête, trop fatiguée pour se relever, reste contre son épaule, vers laquelle tu te tournes à nouveau, la laissant manger ton visage une fois encore, y étouffant ta voix, une fois encore...

« D’accord... »

Capitules-tu d’une voix ensommeillée, faussement bougonne, alors que tu assimiles la nouvelle, que tu assimiles l’étendu de vos paroles. Une dernière fois, tu oses un regard effarouché, vers lui. Plein.e d’espoir. Plein.e d’appréhension. Tes lèvres s’ouvrent, mais il faut quelques secondes avant qu’un quelques mots hésitants ne se fassent entendre.

« C’est une promesse, alors ? »

Pauvre idiot.e.